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Silences, une exposition de Dominique Degli Esposti


Qui est Dominique degli Esposti ?

Né en 1946 à Venzolasca, Dominique degli Esposti est un artiste plasticien qui vit et travaille à Castellare di Casinca. Il s’exprime et puise tour à tour à travers le théâtre, le cinéma la photographie ou la peinture.
 
Dès 1957 au sein de la section artistique de Bastia crée par José Lorenzi (professeur d'arts plastiques et artiste peintre), il s’initie à la peinture puis plus tard à la  mise en scène théâtrale, et s’essaie à la réalisation de courts-métrages en super 8 et 16 mm. Ses influences multiples embrassent aussi bien Ionesco que les futuristes italiens, les auteurs corses ou les Evangiles.

En 1972, il réalise le long-métrage Brusgiature (création en équipe avec Michel Rossi, Fanfan Guaitella, Gérard Simoni, Michèle Smith, Rose-Marie Delernia...) et travaille pendant plusieurs années sur des « Mises en fêtes » de villages avec la participation de la population, c'est la naissance de la Fête de La Musique proposées par Maurice Fleuret. les rues,les églises,les jardins, les caves,les intérieurs des maisons sont "mis en fête"pour accueillir les  concerts... "théâtre immobile", films et photographies projetés sur les murs des maisons, sur des draps mis à sécher,toutes les sources de lumières sont exploitées des lumignons aux cuisinières aux phares et aux clignotants  de voitures...

Au début des années 1980, son travail photographique est montré au Foyer du Théâtre National de Chaillot et il crée avec Georges Aperghis et la Compagnie 3C Alba un spectacle de théâtre musical « Un musée de l’Homme », au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.

En 1983, Brusgiature sort au festival du Film des Cultures Méditerranéennes de Bastia et obtient le prix du conseil International pour le Cinéma et la Télévision (U.N.E.S.C.O.) Deux ans après, le film est sélectionné au Festival de Cannes dans la section Perspectives du Cinéma Français. L’artiste continue à mettre en scène les « Paese in luce », des spectacles sur la plage et réalise d’autres court-métrages.

A partir des années 1990, ses peintures et photographies vont régulièrement faire l’objet d’expositions, collectives ou individuelles : au FRAC Corse, à la communauté urbaine de Lille, à l’Institut Français d’Innsbrück, au Parcours du Regard d’Oletta, au Masedu Arte Contemporanea de Sassari, à la Galerie Ceribelli de Milan, au Centre Méditerranéen de la Photographie de Bastia...

Au tournant des années 2000, il multiplie les collaborations avec des musiciens et réalise les photographies pour l’album « Isulana » des Nouvelles Polyphonies Corses, des clips pour les chanteurs italiens Morgan et Bluvertigo avec Asia Argento.

Différentes expositions permettent de montrer ses nouveaux travaux au FRAC Corse, au Centre Culturel Una Volta de Bastia Domaine Orenga de Gaffori de Patrimonio, la Villa Costantino d’Alghero, la Galerie Ferrera de Castellare di Casinca, la Biennale UMAM de Cagnes-sur-Mer, à l' Associu Scopre "Tassu Imaginazione"...
En 2011, il participe à la Biennale de Venise, au Pavillon Officiel Italien. L'année suivante, une exposition de photographies lui est consacrée au Centre Culturel de Porto-Vecchio avec une carte blanche à la Cinémathèque régionale, où est  numérisée et projetée la copie de « Brusgiature »
En 2013, il présente cette copie numérisée au cinéma Alba de Corte, en présence des auteurs et participants du film, avec la Fondation de l'Université de Corse. La même année il participe à une exposition collective du FRAC Corse et du Centre d'art La Panera de Lérida en Espagne.
Il obtient en 2014 le Prix du meilleur vidéoclip italien des 20 dernières années dans la catégorie rock indépendant pour « Altrove » de Morgan.
 

Le projet Silences

Comment est né le projet ?
Fin 2013, la Fondation de l’Université a organisé la projection du film que j'ai réalisé dans les années 1970 Brusgiature, et pour accompagner cette projection, plusieurs photos du tournage et d'autres, prises à l’époque du film, étaient exposées à la Bibliothèque universitaire. C’est à l’occasion des préparatifs de cette exposition que j’ai découvert les lieux et surtout les visages des étudiants au travail.  Ils m’ont ému.
Quand on montre la jeunesse, et la jeunesse corse en particulier, c’est souvent sur son mode revendicatif, avec une énergie très affirmative, contestataire, parfois brutale. Moi-même, la veille de la projection de Brusgiature, j’avais assisté, la nuit, à une scène de rudesse à la sortie d’un bar de la ville. Rien de terrible, mais ça m’avait donné le sentiment d’une certaine violence.
Le lendemain, à la bibliothèque, au contraire le calme régnait. J’ai été heureux, et je crois rassuré, de réaliser que Corte, c’est quand même surtout ça : le lieu du savoir - qui est la base de tout.
J’ai eu envie de photographier ces étudiants et montrer à travers eux le processus d’apprentissage, sa solitude. Ensuite, c’est en lien avec les équipes de la Fondation, de la filière Arts et de la Bibliothèque de l’Université que le projet a été peu à peu élaboré et concrétisé.

Cette série est très différente de vos œuvres précédentes
C’est vrai, dans mon travail de photographe, j’apprécie surtout les mises en scène. Pour cette série au contraire, j’ai cherché à m’effacer. Les photos exposées sont d’une certaine façon « banales » et montrent je crois ce qu’est le quotidien de la BU. Je me suis efforcé de ne pas parler aux jeunes, c’était d'ailleurs assez frustrant. Mais c'est cette distance qui a permis qu’ils restent naturels et que ces images puissent enregistrer silence et concentration.
C’est fort de contempler ces moments de formation, qui sont aux antipodes de certaines vérités assénées et des revendications. Le savoir, chacun en fait ce qu’il veut. C’est une conscience en construction, suspendue. Quelqu’un qui réfléchit n’est ni bon ni méchant, il s’interroge.  Ça m’aurait fatigué de montrer des gens qui croient avoir raison. Soutenir une vérité contre une autre, c’est ce qui conduit à la compétition, à la guerre - cette lutte contre l’autre comme en parle Albert Jacquard. Je trouve que travailler pour vouloir s’améliorer suffit. C’est ce qui m'a touché chez ces étudiants. Les sentir à la fois seuls et reliés aux autres, ceux qui, à la place d’à côté, produisent le même effort de réflexion. Chacun un peu « vicino a se stesso » comme le décrit si bien une poésie de Roberta Castoldi. Ce sont ces silences solitaires et solidaires que j’ai voulu saisir, tout en étant personnellement effacé. Je me souviens aussi des sensations que j’ai éprouvées ce jour-là, notamment l’odeur des livres comme quand j'étais moi-même un étudiant et qui reste si présente au milieu de tous ces ordinateurs.
Je me suis abandonné à ces sensations et au hasard, en révélant parfois l’humour ou la beauté des situations. Il se passe toujours tellement de choses dans une photo. En 1913, Kodak ne disait-il pas déjà « appuyez, on s’occupe du reste ! »

Comment avez-vous organisé les prises de vue ?
J’ai réalisé plus d'un millier de photos à la BU au printemps 2015.  Je prévoyais de continuer mais la bibliothèque commençait à préparer son déménagement... J’ai de toutes façons réalisé que je n’aurais jamais « la » photo que j’attendais et que ça n’était pas l’enjeu !
Je n’avais pas spécialement réfléchi à une exposition. Mon envie de départ, c’était plutôt que les photos soient montrées dans l’espace public. J’aurais aimé que des habitants de Corte les projettent sur leurs murs, dans les boutiques, dans les cafés, par exemple les soirs de match, comme une toile de fond qui rappelle que Corte, c’est aussi ça ! Evidemment, ça aurait été une tout autre organisation. J’ai de très beaux souvenirs des Paese in luce* que nous avons organisés avec 3C Alba, mais je me suis laissé convaincre qu’une exposition plus classique pourrait avoir son sens.
C’est Jean-Joseph Albertini, enseignant de la filière Arts, qui s’est chargé de sélectionner les photos et de construire cette série. C'est donc lui le commissaire d'expo ! Avec les équipes de la BU et de la Fondation, il a conçu un circuit dans la nouvelle bibliothèque. J’ai beaucoup aimé ses choix axés sur la concentration et aussi en quelque sorte sa mise en scène dans l'espace de la BU, pour les valoriser et les faire découvrir!. D’une façon générale, il m'est très agréable que d’autres s’emparent de mon travail. J’espère d’ailleurs qu’après cette exposition, ces photos continueront à vivre.
 
 
 
 
 
 
GRAZIELLA LUISI | Mise à jour le 29/12/2015